Page:Matthieu - Aman, 1589.djvu/21

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Du Palais, ont conclus entr’eux par quelque sorte (330)
Feront mourir le Roy.
ESTHER.
Le Roy ?
MARDOCHEE.
C’est leur decret :
Et discret ; j’ay ouy l’accusable secret.
ESTHER.
O le fait inhumain !
MARDOCHEE.
Inhumain ? mais bien pire
Pour souffrir les tourmens de Gemon, ou Busire,
ESTHER.
O nouvelle angoisseuse ! ô traistres clandestins ! (335)
Les loups et les courbeaux auront voz intestins,
Vous irez tous loger en une hostellerie,
Où vous attend l’horreur, la peine, et la furie
Au supplice cruel, il vous faut engager :
Voicy de mes ennuits le premier messager, (340)
Et source de malheurs, puisque ja l’infortune
Veut vefuer ma jeunesse, et que la mort commune
Se ligue contre moy. O Esther, pourras-tu
Tenant secret ce fait, obscurcir ta vertu,
Mettant sous le tombeau un crime tant enorme ? (345)
Changeant de son honneur le portal et la forme,
Pourras-tu à sa mort te taisant consentir ?
Ah ! non : plustost du ciel l’ire puisse sentir.
Mais quoy ? oseroyent ils sans crainte de leur ame
Dresser contre un tel Roy la sanguinaire lame ? (350)
Quel cœur, quel front, quel fer les pourroit asseurer
Contre un Roy valeureux traistrement conjurer ?
Oseroyent-ils ainsi se monstrer sacrileges
Les Rois, contre la mort ? n’ont-ils nuls privileges