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N’embrasseront-ils plus une mère chérie ?
Au moins s’il leur restait, en ce suprême instant,
La consolante voix d’un ami bienfaisant !…
Dans les sentiers du camp cheminant en silence,
Avec la blanche étole, un lévite s’avance.
Dans le bleu firmament brille une étoile d’or ;
Partout autour du camp règne un calme de mort.
Versant ses blancs rayons, la lune amie éclaire
De ce consolateur la marche solitaire ;
À ceux qui vont mourir, pour adoucir leur fin,
Il porte l’huile sainte et le céleste pain.


Séparateur


Au fond d’un noir cachot un condamné sommeille ;
Un lévite à genoux près de sa couche veille.
Il veille pour celui que le trépas attend.
Faisant pour se lever un effort languissant,
Le captif, en ouvrant son humide paupière,
Gémit lorsque du ciel il revoit la lumière ;
De la sanglante mort, devant ses tristes yeux,
Passe et repasse encor le fantôme odieux.
Voici son dernier jour ! Devant lui quel abîme !
Mais la religion par sa voix le ranime ;
L’ange de l’Espérance est descendu vers lui ;
Le chagrin soucieux aussitôt s’est enfui ;
Le calme de son âme est peint sur son visage.
De l’aimable vertu, ce doux trésor du sage,
Il commence à goûter les suaves attraits ;
Il sent renaître enfin le bonheur et la paix ;
Dans ses yeux ranimés se tarissent les larmes.
Tout-à-coup il entend le cliquetis des armes !
L’illusion s’envole, et de nombreux soldats
L’entraînent sans pitié vers le lieu du trépas.
Frères ! entendez-vous le char sanglant qui roule ?
Un anathème affreux part du sein de la foule ;
Mais près du malheureux le saint prêtre est resté ;
Il lui parle du Christ et de l’éternité.
Docile à des discours qu’inspire la sagesse,
Dans ses bras fraternels le condamné le presse…