Page:Matton - Le croyant, 1852.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 64 —

Est-ce un brûlant volcan qui jaillit de la mer ?
Non, non, c’est un vaisseau qui fend le flot amer ;
Ainsi qu’un alcyon, sur la vague il s’élance ;
De la rive il approche, il entre au port… silence !!…
Une femme en descend ; le peuple, à son aspect,
S’incline et se découvre avec un saint respect.
C’est la veuve d’un roi ; de deuil elle est vêtue ;
Son âme a bien souffert, mais n’est point abattue,
Car rien n’abat un cœur où domine la foi.
Louise, c’est ta mère ; elle vient près de toi
Pour adoucir ta mort par cet adieu suprême,
Ce morne et sombre adieu qu’on fuit à ceux qu’on aime !


Ô lyre, à la douleur emprunte tes accents,
Et que ta voix plaintive accompagne mes chants !


Sur sa tige la fleur se penche languissante ;
L’arbre abandonne aux vents sa feuille jaunissante,
Et l’automne, avançant vers nos tristes climats,
Étend sur nos vallons son manteau de frimas.

Belges infortunés, contemplez votre Reine ;
De ce monde elle va briser la rude chaîne.
Sa mère, son époux, ses enfants affligés,
En cercle douloureux autour d’elle rangés,
Gémissent en silence en lui cachant leurs larmes ;
Mais elle, ce qui cause aujourd’hui ses alarmes,
Ce n’est pas qu’elle touche au suprême moment :
La douleur qu’elle inspire, ah ! voilà son tourment !…
Elle sent que la mort vers le tombeau la presse ;
Embrasse ses enfants ; sourit avec tristesse ;
Sur la tremblante main de son royal époux,
Imprime longuement le baiser le plus doux ;
Aux prières des siens elle joint sa prière,
Et saintement expire en contemplant sa mère…
Ah ! de tant de vertus, d’un objet tant aimé,
Voilà ce qu’il nous reste, un corps inanimé !…
De l’airain qui gémit la voix lente et sacrée
Dit la triste nouvelle à la foule éplorée.