Page:Maupassant, Des vers, 1908.djvu/142

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Pour troubler tous les cœurs prenait toutes les voix,
Et sous l’abri de la ramure hospitalière
Des arbres, habités par des peuples menus,
Par ces êtres pareils à des grains de poussière,
Des foules d’animaux de nos yeux inconnus,
Pour qui les fins bourgeons sont d’immenses royaumes,
Mêlaient au jour levant leurs tendresses d’atomes.

Deux jeunes gens suivaient un tranquille chemin
Noyé dans les moissons qui couvraient la campagne.
Ils ne s’étreignaient point du bras ou de la main ;
L’homme ne levait pas les yeux sur sa compagne.

Elle dit, s’asseyant au revers d’un talus :
« Allez, j’avais bien vu que vous ne m’aimiez plus. »
Il fit un geste pour répondre : « Est-ce ma faute ? »
Puis il s’assit près d’elle. Ils songeaient, côte à côte.
Elle reprit : « Un an ! rien qu’un an ! et voilà
Comment tout cet amour éternel s’envola !
Mon âme vibre encor de tes douces paroles !
J’ai le cœur tout brûlant de tes caresses folles !
Qui donc t’a pu changer du jour au lendemain ?
Tu m’embrassais hier, mon Amour ; et ta main,
Aujourd’hui, semble fuir sitôt qu’elle me touche.
Pourquoi donc n’as-tu plus de baisers sur la bouche ?
Pourquoi ? réponds ! » – Il dit : « – Est-ce que je le sais ? »
Elle mit son regard dans le sien pour y lire :
« Tu ne te souviens plus comme tu m’embrassais,
Et comme chaque étreinte était un long délire ? »
Il se leva, roulant entre ses doigts distraits
La mince cigarette, et, d’une voix lassée :
« Non, c’est fini, dit-il, à quoi bon les regrets ?