Page:Maupassant - Épaves, paru dans Le Gaulois, 9 décembre 1881.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

saison après le dernier espoir envolé, à ce grand homme en toc accepté comme rossignol par cette pauvre fille, qui, sans lui, aurait été bientôt à la femme ce qu’est le poisson salé au poisson frais.

Et, chaque année, des unions pareilles ont lieu après la saison finie, dans les villes de bains abandonnées.

Allez, allez, ô jeunes filles,
Chercher maris auprès des flots…


disait le poète.

Ils disparurent dans l’ombre.

La lune se levait toute rouge d’abord, puis pâlissant à mesure qu’elle montait dans le ciel, et elle jetait sur l’écume des vagues des lueurs blêmes, éteintes aussitôt qu’allumées.

Le bruit monotone du flot engourdissait la pensée, et une tristesse démesurée me venait de la solitude infinie de la terre, de la mer et du ciel.

Soudain, des voix jeunes me réveillèrent et deux grandes filles démesurément hautes m’apparurent, immobiles à regarder l’Océan. Leurs cheveux, répandus dans le dos, volaient au vent ; et, ser-