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UNE SOIRÉE.

— Ce serait pour un étranger une extraordinaire bonne fortune que de rencontrer, d’un seul coup, tant de célébrités réunies chez un artiste de votre valeur.

Romantin, conquis, répondit :

— Si ça peut vous être agréable, venez.

M. Saval accepta avec enthousiasme, pensant : « J’aurai toujours le temps de voir Henri VIII. »

Tous deux avaient achevé leur repas. Le notaire s’acharna à payer les deux notes, voulant répondre aux gracieusetés de son voisin. Il paya aussi les consommations des jeunes gens en velours rouge ; puis il sortit avec son peintre.

Ils s’arrêtèrent devant une maison très longue, et peu élevée, dont tout le premier étage avait l’air d’une serre interminable. Six ateliers s’alignaient à la file, en façade sur le boulevard.

Romantin entra le premier, monta l’escalier, ouvrit une porte, alluma une allumette, puis une bougie.

Ils se trouvaient dans une pièce démesurée dont le mobilier consistait en trois chaises, deux chevalets, et quelques esquisses posées par terre, le long des murs. M. Saval, stupéfait, restait immobile sur la porte.

Le peintre prononça :

— Voilà, nous avons la place ; mais tout est à faire.

Puis, examinant le haut appartement nu, dont le plafond se perdait dans l’ombre, il déclara :

— On pourrait tirer un grand parti de cet atelier.

Il en fit le tour en le contemplant avec la plus grande attention, puis reprit :

— J’ai bien une maîtresse qui aurait pu nous aider. Pour draper des étoffes, les femmes sont incomparables. Mais je l’ai envoyée à la campagne pour aujourd’hui, afin de m’en débarrasser ce soir. Ce n’est