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ŒUVRES POSTHUMES.

— Un calorifère ici ! Un calorifère ici ! Ah ! ah ! ah ! quelle bonne farce !

Elle insistait :

— Je t’assure qu’on gèle, mon ami ; tu ne t’en aperçois pas, parce que tu es toujours en mouvement, mais on gèle.

Il répondit, en riant toujours :

— Baste ! on s’y fait, et d’ailleurs c’est excellent pour la santé. Tu ne t’en porteras que mieux. Nous ne sommes pas des Parisiens, sacrebleu ! pour vivre dans les tisons. Et, d’ailleurs, voici le printemps tout à l’heure.


Vers le commencement de janvier un grand malheur la frappa. Son père et sa mère moururent d’un accident de voiture. Elle vint à Paris pour les funérailles. Et le chagrin occupa seul son esprit pendant six mois environ.

La douceur des beaux jours finit par la réveiller, et elle se laissa vivre dans un alanguissement triste jusqu’à l’automne.

Quand revinrent les froids, elle envisagea, pour la première fois, le sombre avenir. Que ferait-elle ? Rien. Qu’arriverait-il désormais pour elle ? Rien. Quelle attente, quelle espérance pouvaient ranimer son cœur ? Aucune. Un médecin, consulté, avait déclaré qu’elle n’aurait jamais d’enfants.

Plus âpre, plus pénétrant encore que l’autre année, le froid la faisait continuellement souffrir. Elle tendait aux grandes flammes ses mains grelottantes. Le feu flamboyant lui brûlait le visage ; mais des souffles glacés semblaient se glisser dans son dos, pénétrer entre la chair et les étoffes. Et elle frémissait de la tête aux pieds. Des courants d’air innombrables paraissaient installés dans les appartements, des courants d’air vivants, sournois, acharnés comme des ennemis.