Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/163

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- Elle m'a fait prêter de l'argent à une marchande à la toilette chez qui elle avait des rendez-vous. Lucette éclata de rire, trouvant le tour délicieux.

- Mariolle reprit:

- Oui, elle m'a apitoyé, me donnant cette procureuse pour sa cousine. Et il y avait là-dedans une histoire de séduction, d'abandon d'enfant laissé à la charge de cette pauvre femme; tout un roman, un roman imbécile combiné dans une tête de fille, et de fille de concierge. Lucette riait toujours.

- Et tu as été pris, toi?

- Ma foi, oui.

- Comme c'est drôle, toi, étant ce que tu es, élevé comme tu l'as été sur les genoux de ton papa, le père Mariolle, le plus roublard des hommes.

Mariolle eut un petit mouvement des épaules plein de dédain pour lui-même et peut-être pour tout le monde; et il murmura:

- Avec les femmes, les plus fins sont des imbéciles.

- Mon cher, quand on les aime, elles deviennent généralement des rosses.

- C'est peut-être un peu exagéré.

- Non. Mais quand elles aiment, ce sont des anges, des anges à griffes, à vitriol ou à lettres anonymes, parfois seulement des anges crampons, mais des anges de fidélité, d'abnégation et de dévouement... En tout cas, ça t'a fait de la peine, bien que ton Henriette fût, je crois, une récidiviste.

- Oui, mais ses récidives justement m'avaient préparé à la guérison, et je suis guéri d'elle.

- Bien vrai?