Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/167

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Connaissant sa fortune, elle le fit attendre un peu, puis céda, l'installant dans un faux adultère comme elle avait installé son autre amant dans un faux bonheur conjugal. Lorsqu'elle fut sûre de se l'être attaché, elle eut des remords et lui déclara qu'elle devait rompre avec l'un ou avec l'autre. S'il voulait d'elle, elle serait à lui. Il fut ravi de ce choix et répondit qu'il la prenait. Alors elle se sépara très habilement, sans histoires et sans brouilles, de celui qui payait ses discrètes faveurs. Sa vie n'en fut point troublée; les deux hommes même ne se fâchèrent pas, et après un froid de quelques semaines qui les tint éloignés l'un de l'autre, ils se serrèrent de nouveau la main et furent amis comme autrefois.

Alors, Mariolle eut deux logis, dont l'un enfermait des tableaux, des meubles rares, des bronzes et mille objets coûteux, tandis que l'autre cachait une jolie femme, toujours prête à le recevoir, à le distraire avec des sourires, des paroles tendres et des caresses. Il se plut chez elle, y logea peu à peu son désoeuvrement, y emménagea sa vie. Il prit d'abord l'habitude d'y dîner de temps en temps, puis plus souvent, puis tous les soirs. Il y reçut des amis, y organisa de petites fêtes dont elle faisait les honneurs avec une simple élégance dont il était fier. Près d'elle il goûta la jouissance rare d'avoir une sorte d'esclave d'amour, charmante, complaisante, dévouée et payée. Elle tenait dans la perfection ce rôle simulé d'épouse et il s'attacha si fort au bonheur qu'elle lui donnait qu'il fallut un flagrant délit tout à fait imprévu pour le convaincre qu'il était trompé.

Un duel eut lieu. Il fut blessé très légèrement et recommença son ancienne vie. Mais après deux mois d'une existence qui lui parut odieuse, il rencontra