Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/17

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chez un médecin, il en obtint, moyennant cent sous, cette ordonnance :


"M. X..., cinquante-deux ans, célibataire, employé. - Nature sanguine, menace de congestion. - Lotions d'eau froide, nourriture modérée, beaucoup d'exercice.


"Montellier, D.M.P."

Patissot fut atterré, et pendant un mois, dans son bureau, il garda tout le jour, autour du front, sa serviette mouillée, roulée en manière de turban, tandis que des gouttes d'eau, sans cesse, tombaient sur ses expéditions, qu'il lui fallait recommencer. Il relisait à tout instant l'ordonnance, avec l'espoir, sans doute, d'y trouver un sens inaperçu, de pénétrer la pensée secrète du médecin, et de découvrir aussi quel exercice favorable pourrait bien le mettre à l'abri de l'apoplexie.

Alors il consulta ses amis, en leur exhibant le funeste papier. L'un d'eux lui conseilla la boxe. Il s'enquit aussitôt d'un professeur et reçut, dès le premier jour, sur le nez, un coup de poing droit qui le détacha à jamais de ce divertissement salutaire. La canne le fit râler d'essoufflement, et il fut si bien courbaturé par l'escrime, qu'il en demeura deux nuits sans dormir. Alors il eut une illumination. C'était de visiter à pied, chaque dimanche, les environs de Paris et même certaines parties de la capitale qu'il ne connaissait pas.

Son équipement pour ces voyages occupa son esprit pendant toute une semaine, et le dimanche, trentième jour de mai, il commença les préparatifs.

Après avoir lu toutes les réclames les plus baroques, que de pauvres diables, borgnes ou boiteux, distribuent au coin des rues avec importunité, il se