Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/210

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Pierre hésitait, ayant compris que l’officier commandant était une brute.

Mais elle répéta d’un ton si ferme : « Allez », qu’il obéit. Elle ne tourna point la clef derrière lui, pour n’avoir pas l’air de se cacher, et elle attendit, palpitante.

Des pas pesants montèrent bientôt l’escalier, ceux de plusieurs hommes, et, de nouveau, on heurta sa porte.

Elle demanda :

— Qui est là ?

Une voix étrangère prononça :

— Un officier prussien.

— Entrez, dit-elle.

Un jeune homme de grande taille se présente, salua, et, en bon français, presque sans accent :

— Je vous prie de m’excuser, madame, si j’exécute l’ordre de mon supérieur qui m’a chargé de vous amener près de lui. Voulez-vous descendre de bonne grâce ? C’est ce que vous avez de mieux à faire, et pour vous, et pour nous.

Elle hésita une seconde, puis :

— Oui, monsieur, je vous suis.

Et appelant son domestique debout derrière l’officier.

— Prenez le petit dans vos bras et suivez-moi. Je ne veux pas nous séparer.

L’homme obéit et la suivit, portant son fils. Alors elle passa devant le Prussien et descendit à pas lents, gênée par sa taille, se soutenant à la rampe, et Annette demeura seule dans la chambre, trop paralysée de terreur pour faire le moindre mouvement.

En arrivant à l’entrée du salon elle aperçut sept ou huit officiers, installés déjà comme chez eux, la troupe étant au village. Ils fumaient, allongés dans les fau-