Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/220

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Éternel meurtrier qui semble ne goûter le plaisir de produire que pour savourer insatiablement sa passion acharnée de tuer de nouveau, de recommencer ses exterminations à mesure qu’il crée des êtres. Éternel faiseur de cadavres et pourvoyeur des cimetières , qui s’amuse ensuite à semer des graines et à éparpiller des germes de vie pour satisfaire sans cesse son besoin insatiable de destruction. Meurtrier affamé de mort embusqué dans l’Espace, pour créer des êtres et les détruire, les mutiler, leur imposer toutes les souffrances, les frapper de toutes les maladies, comme un destructeur infatigable qui continue sans cesse son horrible besogne. Il a inventé le choléra, la peste, le typhus, tous les microbes qui rongent le corps, les carnassiers qui dévorent les faibles animaux. Seules, cependant, les bêtes sont ignorantes de cette férocité, car elles ignorent cette loi de la mort qui les menace autant que nous. Le cheval qui bondit au soleil dans une prairie, la chèvre qui grimpe sur les roches de son allure légère et souple, suivie du bouc qui la poursuit, les pigeons qui roucoulent sur les toits, les colombes le bec dans le bec sous la verdure des arbres, pareils à des amants qui se disent leur tendresse, et le rossignol qui chante au clair de lune auprès de sa femelle qui couve ne savent pas l’éternel massacre de ce Dieu qui les a créés. Le mouton qui…

Cette ligne est la dernière qu’écrivit Maupassant. Ici commence le drame qui dura quatorze mois, dans lequel sombra tout entière la pensée de l’écrivain. L’Angélus a paru dans la Revue de Paris du 1er avril 1895


FIN DES ŒUVRES COMPLÈTES.