Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/48

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escalier dérobé dans une tour, escalier de service dans une autre, escalier partout ! Patissot, par hasard, ouvre une porte et recule stupéfait. C'était un temple, cet endroit dont les gens respectables ne prononcent le nom qu'en anglais, un sanctuaire original et charmant, d'un goût exquis, orné comme une pagode, et dont la décoration avait assurément coûté de grands efforts de pensée.

Ils visitèrent ensuite le parc, compliqué, mouvementé, torturé, plein de vieux arbres. Mais le journaliste voulut absolument prendre congé, et, remerciant beaucoup, quitta le maître. Ils rencontrèrent, en sortant, un jardinier ; Patissot lui demanda : "Y a-t-il longtemps que M. Meissonier possède cela ?" Le bonhomme répondit : "Oh, monsieur, faudrait s'expliquer. Il a bien acheté la terre en 1846, mais la maison ! ! ! il l'a démolie et reconstruite déjà cinq ou six fois depuis... Je suis sûr qu'il y a deux millions là dedans, Monsieur !"

Et Patissot, en s'en allant, fut pris d'une immense considération pour cet homme, non pas tant à cause de ses grands succès, de sa gloire et de son talent, mais parce qu'il mettait tant d'argent pour une fantaisie, tandis que les bourgeois ordinaires se privent de toute fantaisie pour amasser de l'argent !


Après avoir traversé Poissy, ils prirent, à pied, la route de Médan. Le chemin suit d'abord la Seine, peuplée d'îles charmantes en cet endroit, puis remonte pour traverser le joli village de Villaines, redescend un peu, et pénètre enfin au pays habité par l'auteur des Rougon-Macquart.