Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/57

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Patissot, calmé, goûtait ces raisons.

- Il est vrai dit-il, qu'on aimerait bien connaître ceux qui vous gouvernent.

Le monsieur prit un ton plus doux.

- Savez-vous comment je la comprendrais, moi, la fête ?... Eh bien, Monsieur, je ferais un cortège avec des chars dorés, comme les voitures du sacre des rois ; et je promènerais dedans les membres du gouvernement, depuis le Président jusqu'aux députés, à travers Paris, toute la journée. Comme ça, au moins, chacun connaîtrait la personne de l'État.

Mais un des voyous, près du cocher, se retourna :

- Et le bœuf gras, où'squ'on le mettrait ? dit-il.

Un rire courut sur les deux banquettes. Patissot comprit l'objection et murmura :

- Ça ne serait peut-être pas digne.

Le monsieur, après avoir réfléchi, le reconnut.

- Alors, dit-il, je les mettrai en vue quelque part, afin qu'on puisse les regarder tous sans se déranger ; sur l'arc de triomphe de l'Étoile, par exemple, et je ferais défiler devant toute la population. Ça aurait un grand caractère.

Mais le voyou, encore une fois, se retourna :

- Faudrait des télescopes pour voir leurs balles.

Le monsieur ne répondit pas ; il continua :

- C'est comme la distribution des drapeaux ! Il faudrait un prétexte, organiser quelque chose, une petite guerre ; et on remettrait ensuite les étendards aux troupes comme récompense. Moi, j'avais une idée, que j'ai écrite au ministre ; mais il n'a point daigné me répondre. Puisqu'on a choisi la date de la prise de la Bastille, il fallait organiser le simulacre de cet événement : on aurait fait une bastille en carton, brossée par un décorateur de théâtre, et cachant dans ses murailles toute la colonne de juillet. Alors, Monsieur,