Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/102

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au premier général qui traverserait la tribu.

Leur cuisine se compose uniquement de quatre ou cinq plats. L’ordre de ces plats ne varie point.

On présente d’abord le mouton rôti en plein air. Un homme l’apporte tout entier sur son épaule au bout d’une perche qui a servi de broche ; et la silhouette de la bête écorchée, juchée en l’air, fait songer à quelque exécution du moyen âge. Elle se profile, le soir, sur le ciel rouge, d’une façon sinistre et burlesque, tenue ainsi par un personnage sévère et drapé de blanc.

Ce mouton est déposé dans une corbeille plate d’alfa tressé, au milieu du cercle des mangeurs assis en rond, à la turque. La fourchette est inconnue ; on dépèce avec les doigts ou avec un petit couteau indigène à manche de corne. La peau rissolée, vernie par le feu et croustillante, passe pour ce qu’il y a de plus fin. On l’arrache par longues plaques et on la croque en buvant soit de l’eau toujours bourbeuse, soit du lait de chamelle coupé d’eau par moitié, soit du lait aigre qui a fermenté dans une peau de bouc, dont il prend le goût fortement musqué. Les Arabes appellent "leben" cette boisson médiocre.