Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et voici Constantine, la cité phénomène, Constantine l'étrange, gardée, comme par un serpent qui se roulerait à ses pieds, par le Roumel, le fantastique Roumel, fleuve de poème qu'on croirait rêvé par Dante, fleuve d'enfer coulant au fond d'un abîme rouge comme si les flammes éternelles l'avaient brûlé. Il fait une île de sa ville, ce fleuve jaloux et surprenant ; il l'entoure d'un gouffre terrible et tortueux, aux rocs éclatants et bizarres, aux murailles droites et dentelées.

La cité, disent les Arabes, a l'air d'un burnous étendu. Ils l'appellent Belad-el-Haoua, la cité de l'air, la cité du ravin, la cité des passions. Elle domine des vallées admirables pleines de ruines romaines, d'aqueducs aux arcades géantes, pleines aussi d'une merveilleuse végétation. Elle est dominée par les hauteurs de Mansoura et de Sidi-Meçid.

Elle apparaît debout sur son roc, gardée par son fleuve, comme une reine. Un vieux dicton la glorifie : "Bénissez, dit-il à ses habitants, la mémoire de vos aïeux qui ont construit votre ville sur un roc. Les corbeaux fientent ordinairement sur les gens, tandis que vous fientez sur les corbeaux."

Les rues populeuses sont plus agitées que