Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/224

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Quel rêve ! avoir un vrai bandit pour soi toute seule, un jour entier, de l’aurore au soir. Il lui racontait des histoires d’amour, des histoires corses, où le stylet joue toujours un rôle ; il lui parlait d’une institutrice qui l’avait aimé ; et l’amadou que les femmes souvent ont à la place de cervelle s’enflamma si bien qu’à la nuit elle ne voulait plus quitter son bandit, et prétendait le ramener, pour souper, dans la maison du village où les lits étaient préparés.

Il fallut de longs pourparlers pour décider la séparation et l’on se quitta, paraît-il, avec une grande tristesse de part et d’autre.

M. Haussmann a vu Jacques Bellacoscia d’une assez singulière façon. Il allait en voiture à Bocognano, quand une femme, se présentant à la portière, lui annonça que le bandit désirait vivement lui parler. M. Haussmann hésitait à accorder un entretien à un homme si compromettant, quand une idée lui traversa l’esprit.

— Je n’ai pas d’armes, dit-il ; par conséquent si l’on m’arrête je ne pourrai me défendre et je compte, à telle heure, passer par telle route.

À l’heure dite, un homme sautait à la tête des chevaux ; la portière s’ouvrit ; il entra