Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/91

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déjà la regarder en maître, comme pour voir si rien de vivant n’existe plus. Pas un cri de bête, sauf parfois le hennissement d’un cheval ; pas un mouvement de vie, sauf, lorsqu’on a campé dans le voisinage d’un puits, le long, lent et muet défilé des troupeaux qui s’en viennent boire.

Tout de suite la chaleur est brûlante. On met, pardessus le capuchon de flanelle et le casque blanc, l’immense médol, chapeau de paille à bords démesurés. Nous suivions le vallon, lentement. Aussi loin que la vue allait, tout était nu, d’un gris jaune, ardent et superbe. Parfois, au milieu des bas fonds où croupissait un reste d’eau, dans le lit vidé des rivières, quelques joncs verts faisaient une tache crue et toute petite ; parfois, dans un repli de la montagne, deux ou trois arbres indiquaient une source. Nous n’étions point encore dans la contrée assoiffée que nous devions bientôt traverser.


On montait indéfiniment. D’autres petits vallons se jetaient dans le nôtre ; et, à mesure que nous approchions de midi, les horizons se perdaient un peu dans une légère buée de chaleur, dans une fumée de terre rôtie, qui noyait les lointains en des tons à peine bleus,