Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/20

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— Je te suis.

Et ils se mirent à marcher en se tenant par le bras, avec cette familiarité facile qui subsiste entre compagnons d’école et entre camarades de régiment.

— Qu’est-ce que tu fais à Paris ? dit Forestier.

Duroy haussa les épaules :

— Je crève de faim, tout simplement. Une fois mon temps fini, j’ai voulu venir ici pour… pour faire fortune ou plutôt pour vivre à Paris ; et voilà six mois que je suis employé aux bureaux du chemin de fer du Nord, à quinze cents francs par an, rien de plus.

Forestier murmura :

— Bigre, ça n’est pas gras.

— Je te crois. Mais comment veux-tu que je m’en tire ? Je suis seul, je ne connais personne, je ne peux me recommander de personne. Ce n’est pas la bonne volonté qui me manque, mais les moyens.

Son camarade le regarda des pieds à la tête, en homme pratique, qui juge un sujet, puis il prononça d’un ton convaincu :

— Vois-tu, mon petit, tout dépend de l’aplomb, ici. Un homme un peu malin devient plus facilement ministre que chef de bureau. Il faut s’imposer et non pas demander. Mais comment diable n’as-tu pas trouvé