Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/228

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et je suis charmé de faire votre connaissance.

Duroy s’avança en tâchant de donner à sa physionomie un air de cordialité expressive, et il serra avec une énergie exagérée la main tendue de son hôte. Puis, s’étant assis, il ne trouva rien à lui dire.

M. de Marelle remit un morceau de bois au feu, et demanda :

— Voici longtemps que vous vous occupez de journalisme ?

Duroy répondit :

— Depuis quelques mois seulement.

— Ah ! vous avez marché vite.

— Oui, assez vite.

Et il se mit à parler au hasard, sans trop songer à ce qu’il disait, débitant toutes les banalités en usage entre gens qui ne se connaissent point. Il se rassurait maintenant et commençait à trouver la situation fort amusante. Il regardait la figure sérieuse et respectable de M. de Marelle, avec une envie de rire sur les lèvres, en pensant : « Toi, je te fais cocu, mon vieux, je te fais cocu. » Et une satisfaction intime, vicieuse, le pénétrait, une joie de voleur qui a réussi et qu’on ne soupçonne pas, une joie fourbe, délicieuse. Il avait envie, tout à coup, d’être l’ami de cet homme, de gagner sa confiance, de lui faire raconter les choses secrètes de sa vie.