Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

specteur de police et qui voudrait bien savoir votre affaire.

Alors elle les fit entrer, en racontant :

— Il en est encore r’venu deux d’puis vous pour un journal, je n’sais point l’quel.

Puis, se tournant vers Duroy :

— Donc, c’est monsieur qui désire savoir ?

— Oui. Est-ce que vous avez été arrêtée par un agent des mœurs ?

Elle leva les bras :

— Jamais d’ la vie, mon bon monsieur, jamais d’ la vie. Voilà la chose. J’ai un boucher qui sert bien, mais qui pèse mal. Je m’en ai aperçu souvent sans rien dire, mais l’autre jour, comme je lui demandais deux livres de côtelettes, vu que j’aurais ma fille et mon gendre, je m’aperçois qu’il me pèse des os de déchet, des os de côtelettes, c’est vrai, mais pas des miennes. J’aurais pu en faire du ragoût, c’est encore vrai, mais quand je demande des côtelettes, c’est pas pour avoir le déchet des autres. Je refuse donc, alors y me traite de vieux rat, je lui réplique vieux fripon ; bref, de fil en aiguille, nous nous sommes tant chamaillés qu’il y avait plus de cent personnes devant la boutique et qui riaient, qui riaient ! Tant qu’enfin un agent fut attiré et nous invita à nous expliquer chez le commissaire. Nous y fûmes, et on nous renvoya