Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/271

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vint s’appuyer à la fenêtre et elle dit en montrant l’horizon d’un coup de tête :

— Regardez cela ! Est-ce beau ?

En face d’eux, la côte semée de villas descendait jusqu’à la ville qui était couchée le long du rivage en demi-cercle, avec sa tête à droite vers la jetée que dominait la vieille cité surmontée d’un vieux beffroi, et ses pieds à gauche à la pointe de la Croisette, en face des îles de Lérins. Elles avaient l’air, ces îles, de deux taches vertes, dans l’eau toute bleue. On eût dit qu’elles flottaient comme deux feuilles immenses, tant elles semblaient plates de là-haut.

Et tout au loin, fermant l’horizon de l’autre côté du golfe, au-dessus de la jetée et du beffroi, une longue suite de montagnes bleuâtres dessinait sur un ciel éclatant une ligne bizarre et charmante de sommets tantôt arrondis, tantôt crochus, tantôt pointus, et qui finissait par un grand mont en pyramide plongeant son pied dans la pleine mer.

Mme  Forestier l’indiqua :

— C’est l’Estérel.

L’espace derrière les cimes sombres était rouge, d’un rouge sanglant et doré que l’œil ne pouvait soutenir.

Duroy subissait malgré lui la majesté de cette fin du jour.