Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/316

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— Je t’en conjure, ne t’en va pas comme ça.

Alors elle le regarda, de haut en bas, elle le regarda avec cet œil mouillé, désespéré, si charmant et si triste qui montre toute la douleur d’un cœur de femme, et elle balbutia :

— Je n’ai… je n’ai rien à dire… je n’ai… rien à faire… Tu… tu as raison… tu… tu… as bien choisi ce qu’il te fallait…

Et s’étant dégagée d’un mouvement en arrière, elle s’en alla, sans qu’il tentât de la retenir plus longtemps.

Demeuré seul, il se releva, étourdi comme s’il avait reçu un horion sur la tête ; puis prenant son parti, il murmura :

— Ma foi, tant pis ou tant mieux. Ça y est… sans scène. J’aime autant ça.

Et, soulagé d’un poids énorme, se sentant tout à coup libre, délivré, à l’aise pour sa vie nouvelle, il se mit à boxer contre le mur en lançant de grands coups de poing, dans une sorte d’ivresse de succès et de force, comme s’il se fût battu contre la Destinée.

Quand Mme  Forestier lui demanda :

— Vous avez prévenu Mme  de Marelle ?

Il répondit avec tranquillité :

— Mais oui…

Elle le fouillait de son œil clair.