Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/411

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qui connaît bien la maison. Sa figure était cachée par un voile épais, et elle marchait à pas sourds qu’on entendait à peine.

Quand elle fut arrivée près du chœur, elle se retourna et marmotta, de ce ton toujours mystérieux qu’on garde dans les églises :

— Les bas-côtés vaudront mieux. On est trop en vue par ici.

Elle salua le Tabernacle du maître-autel d’une grande inclinaison de tête, renforcée d’une légère révérence, et elle tourna à droite, revint un peu vers l’entrée, puis, prenant une résolution, elle s’empara d’un prie-Dieu et s’agenouilla.

Georges prit possession du prie-Dieu voisin, et, dès qu’ils furent immobiles, dans l’attitude de l’oraison :

— Merci, merci, dit-il. Je vous adore. Je voudrais vous le dire toujours, vous raconter comment j’ai commencé à vous aimer, comment j’ai été séduit la première fois que je vous ai vue… Me permettrez-vous, un jour, de vider mon cœur, de vous exprimer tout cela ?

Elle l’écoutait dans une attitude de méditation profonde, comme si elle n’eût rien entendu. Elle répondit entre ses doigts :

— Je suis folle de vous laisser me parler ainsi, folle d’être venue, folle de faire ce que