Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/42

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— Madame, je suis…

Elle lui tendit la main :

— Je le sais, monsieur. Charles m’a raconté votre rencontre d’hier soir, et je suis très heureuse qu’il ait eu la bonne inspiration de vous prier de dîner avec nous aujourd’hui.

Il rougit jusqu’aux oreilles, ne sachant plus que dire, et il se sentait examiné, inspecté des pieds à la tête, pesé, jugé.

Il avait envie de s’excuser, d’inventer une raison pour expliquer les négligences de sa toilette ; mais il ne trouva rien, et n’osa pas toucher à ce sujet difficile.

Il s’assit sur un fauteuil qu’elle lui désignait, et quand il sentit plier sous lui le velours élastique et doux du siège, quand il se sentit enfoncé, appuyé, étreint par ce meuble caressant dont le dossier et les bras capitonnés le soutenaient délicatement, il lui sembla qu’il entrait dans une vie nouvelle et charmante, qu’il prenait possession de quelque chose de délicieux, qu’il devenait quelqu’un, qu’il était sauvé ; et il regarda Mme Forestier dont les yeux ne l’avaient point quitté.

Elle était vêtue d’une robe de cachemire bleu pâle qui dessinait bien sa taille souple et sa poitrine grasse.