Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/550

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n’écoutait guère. Il parut revenir à lui lorsqu’on rentra dans Paris.

Suzanne aussi songeait ; et le grelot des quatre chevaux sonnait dans sa tête, lui faisait voir des grandes routes infinies sous des clairs de lune éternels, des forêts sombres traversées, des auberges au bord du chemin, et la hâte des hommes d’écurie à changer l’attelage, car tout le monde devine qu’ils sont poursuivis.

Quand le landau fut arrivé dans la cour de l’hôtel, on voulut retenir Georges à dîner. Il refusa et revint chez lui.

Après avoir un peu mangé, il mit de l’ordre dans ses papiers comme s’il allait faire un grand voyage. Il brûla des lettres compromettantes, en cacha d’autres, écrivit à quelques amis.

De temps en temps il regardait la pendule, en pensant : « Ça doit chauffer là-bas. » Et une inquiétude le mordait au cœur. S’il allait échouer ? Mais que pouvait-il craindre ? Il se tirerait toujours d’affaire ! Pourtant c’était une grosse partie qu’il jouait, ce soir-là !

Il ressortit vers onze heures, erra quelque temps, prit un fiacre et se fit arrêter place de la Concorde, le long des arcades du ministère de la Marine.

De temps en temps il enflammait une allumette pour regarder l’heure à sa montre. Quand il vit approcher minuit, son impa-