Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/556

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à poindre dans sa tête ; ses idées devenaient pénibles, troubles, lui faisaient mal. Elle s’énervait à chercher, s’exaspérait de ne pas savoir. Elle regarda sa pendule, il était une heure passée. Elle se dit : « Je ne peux pas rester ainsi, je deviens folle. Il faut que je sache. Je vais réveiller Suzanne pour l’interroger. »

Et elle s’en alla, déchaussée pour ne pas faire de bruit, une bougie à la main, vers la chambre de sa fille. Elle l’ouvrit bien doucement, entra, regarda le lit. Il n’était pas défait. Elle ne comprit point d’abord, et pensa que la fillette discutait encore avec son père. Mais aussitôt un soupçon horrible l’effleura et elle courut chez son mari. Elle y arriva d’un élan, blême et haletante. Il était couché et lisait encore.

Il demanda effaré :

— Eh bien ! quoi ? Qu’est-ce que tu as ?

Elle balbutiait :

— As-tu vu Suzanne ?

— Moi ? Non. Pourquoi ?

— Elle est… elle est… partie. Elle n’est pas dans… dans sa chambre.

Il sauta d’un bond sur le tapis, chaussa ses pantoufles et, sans caleçon, la chemise au vent, il se précipita à son tour vers l’appartement de sa fille.