Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/589

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sie, de variété et de talent dans la forme. Et quand ils changent d’opinion, ils ne font que changer de journal. Or, il est bien évident que mon aventurier marche vers la politique militante, vers la députation, vers une autre vie et d’autres événements. Et s’il est arrivé par la pratique, à une certaine souplesse de plume, il n’en devient pas pour cela un écrivain, ni un véritable journaliste. C’est aux femmes qu’il devra son avenir. Le titre : Bel-Ami, ne l’indique-t-il pas assez ?

Donc, devenu journaliste par hasard, par le hasard d’une rencontre, au moment où il allait se faire écuyer, il s’est servi de la Presse comme un voleur se sert d’une échelle. S’en suit-il que d’honnêtes gens ne peuvent employer la même échelle ?

Mais j’arrive à un autre reproche. On semble croire que j’ai voulu dans le journal que j’ai inventé, la Vie française, faire la critique ou plutôt le procès de toute la presse parisienne.

Si j’avais choisi pour cadre un grand journal, un vrai journal, ceux qui se fâchent auraient absolument raison contre moi ; mais j’ai eu soin, au contraire, de prendre une de ces feuilles interlopes, sorte d’agence d’une bande de tripoteurs politiques et d’écumeurs de bourses, comme il en existe quelques-uns, malheureusement. J’ai eu soin de la qualifier à tout moment, de n’y placer en réalité que deux journalistes, Norbert de Varenne et Jacques Rival, qui apportent simplement leur copie, et demeurent en dehors de toutes les spéculations de la maison.