Page:Maupassant - Boule de suif, OC, Conard, 1908.djvu/219

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— « Oui, madame, ces gens-là, ça ne fait que manger des pommes de terre et du cochon, et puis du cochon et des pommes de terre. Et il ne faut pas croire qu’ils sont propres. — Oh non ! — Ils ordurent partout, sauf le respect que je vous dois. Et si vous les voyiez faire l’exercice pendant des heures et des jours ; ils sont là tous dans un champ : — et marche en avant, et marche en arrière, et tourne par-ci, et tourne par-là. — S’ils cultivaient la terre au moins, ou s’ils travaillaient aux routes dans leur pays ! — Mais non, madame, ces militaires, ça n’est profitable à personne ! Faut-il que le pauvre peuple les nourrisse pour n’apprendre rien qu’à massacrer ! — Je ne suis qu’une vieille femme sans éducation, c’est vrai, mais en les voyant qui s’esquintent le tempérament à piétiner du matin au soir, je me dis : — Quand il y a des gens qui font tant de découvertes pour être utiles, faut il que d’autres se donnent tant de mal pour être nuisibles ! Vraiment, n’est-ce pas une abomination de tuer des gens qu’ils soient Prussiens, ou bien Anglais, ou bien Polonais, ou bien Français ? — Si l’on se revenge sur quelqu’un qui vous a fait tort, c’est mal, puisqu’on vous condamne ; mais quand on extermine nos garçons comme du gibier,