Page:Maupassant - Boule de suif.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Puis il s’assit, attendant sa consommation.

Il était accoutumé à passer ses soirs de liberté avec ses camarades, dans le tapage et la fumée des pipes. Ce silence, ce calme l’exaspéraient. Il se mit à boire, du café d’abord ; puis son carafon d’eau-de-vie, puis un second qu’il demanda. Il avait envie de rire maintenant, de crier, de chanter, de battre quelqu’un.

Il se dit : « Cristi, me voilà remonté. Il faut que je fasse la fête. » Et l’idée lui vint aussitôt de trouver des filles pour s’amuser. Il appela le garçon.

— Hé, l’employé !

— Voilà, m’sieu.

— Dites, l’employé, ousqu’on rigole ici ?

L’homme resta stupide à cette question.

— Je n’sais pas, m’sieur. Mais ici !

— Comment ici ? Qu’est-ce que tu appelles rigoler, alors, toi ?

— Mais je n’sais pas, m’sieu, boire de la bonne bière ou du bon vin.

— Va donc, moule, et les demoiselles, qu’est-ce que t’en fais ?

— Les demoiselles ! ah ! ah !

— Oui, les demoiselles, ousqu’on en trouve ici ?

— Des demoiselles ?

— Mais, oui, des demoiselles !

Le garçon se rapprocha, baissa la voix :

— Vous demandez ousqu’est la maison ?

— Mais oui, parbleu !

— Vous prenez la deuxième rue à gauche et puis la première à droite. — C’est au 15.