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une veuve

il s’abattit à mes genoux et, baisant le bas de ma robe avec un élan furieux, il répétait : « Je t’aime ! je t’aime, je t’aime à en mourir. Si tu me trompes jamais, entends-tu ; si tu m’abandonnes pour un autre, je ferai comme mon père… » Et il ajouta d’une voix profonde à donner un frisson : « Tu sais ce qu’il a fait ! »

« Puis, comme je restais interdite, il se releva, et se dressant sur la pointe des pieds pour arriver à mon oreille, car j’étais plus grande que lui, il modula mon nom, mon petit nom : « Geneviève ! » d’un ton si doux, si joli, si tendre, que j’en frissonnai jusqu’aux pieds.

« Je balbutiais : « Rentrons, rentrons ! » Il ne dit plus rien et me suivit ; mais, comme nous allions gravir les marches du perron, il m’arrêta : « Tu sais, si tu m’abandonnes, je me tue. »

« Je compris, cette fois, que j’avais été trop loin, et je devins réservée. Comme il m’en faisait, un jour, des reproches, je répondis : « Tu es maintenant trop grand pour plaisanter, et trop jeune pour un amour sérieux. J’attends. »

« Je m’en croyais quitte ainsi.

« On le mit en pension à l’automne. Quand il