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une veuve

revint l’été suivant, j’avais un fiancé. Il comprit tout de suite et garda pendant huit jours un air si réfléchi que je demeurais très inquiète.

« Le neuvième jour, au matin, j’aperçus, en me levant, un petit papier glissé sous ma porte. Je le saisis, je l’ouvris, je lus : « Tu m’as abandonné, et tu sais ce que je t’ai dit. C’est ma mort que tu as ordonnée. Comme je ne veux pas être trouvé par un autre que par toi, viens dans le parc, juste à la place où je t’ai dit, l’an dernier, que je t’aimais, et regarde en l’air. »

« Je me sentais devenir folle. Je m’habillai vite et vite, et je courus, je courus à tomber épuisée, jusqu’à l’endroit désigné. Sa petite casquette de pension était par terre, dans la boue. Il avait plu toute la nuit. Je levai les yeux et j’aperçus quelque chose qui se berçait dans les feuilles, car il faisait du vent, beaucoup de vent.

« Je ne sais plus, après ça, ce que j’ai fait. J’ai dû hurler d’abord, m’évanouir peut-être, et tomber, puis courir au château. Je repris ma raison dans mon lit, avec ma mère à mon chevet.

« Je crus que j’avais rêvé tout cela dans un affreux délire. Je balbutiai : « Et lui, lui, Gon-