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LA TOMBE.

boîte sous la terre. Et son âme, sa pensée, son amour, où ?

« Ne plus la revoir ! Ne plus la revoir ! L’idée me hantait de ce corps décomposé, que je pourrais peut-être reconnaître pourtant. Et je voulus le regarder encore une fois !

« Je partis avec une bêche, une lanterne, un marteau. Je sautai par-dessus le mur du cimetière. Je retrouvai le trou de sa tombe ; on ne l’avait pas encore tout à fait rebouché.

« Je mis le cercueil à nu. Et je soulevai une planche. Une odeur abominable, le souffle mfame des putréfactions me monta dans la figure. Oh ! son lit, parfumé d’iris !

« J’ouvris la bière cependant, et je plongeai dedans ma lanterne allumée, et je la vis. Sa figure était bleue, bouffie, épouvantable ! Un liquide noir avait coulé de sa bouche.

« Elle ! c’était elle ! Une horreur me saisit. Mais j’allongeai le bras et je pris ses cheveux pour attirer à moi cette face monstrueuse !

« C’est alors qu’on m’arrêta.

« Toute la nuit j’ai gardé, comme on garde le parfum d’une femme après une étreinte d’amour, l’odeur immonde de cette pourriture, l’odeur de ma bien-aimée !

« Faites de moi ce que vous voudrez. »