Page:Maupassant - Discours académique, paru dans Gil Blas, 18 juillet 1882.djvu/7

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Depuis quelques années, vous êtes, messieurs les gouvernants, des pontifes. Nous n’aimons point ce genre qui n’est pas de tradition chez nous.

Notre monarchie ancienne fut souvent bête et maladroite : on le lui a prouvé avec raison. Craignez qu’il vous en arrive autant ; non pour les mêmes causes, mais pour d’autres, plus petites en apparence, bien qu’aussi graves. Ne méconnaissez pas le tempérament de notre race.

Voilà qu’il vous est venu une pudibonderie, une gravité, une sévérité républicaines. Vous voulez une République chaste. Prenez garde de n’avoir qu’une République hypocrite.

Les petits exemples abondent :

Jadis nos pères se soulageaient ouvertement au coin des rues, le long des murs, ou bien en de vieux tonneaux qui avaient contenu du vin. Nos mères ne se choquaient point.

Maintenant vous avez fait des labyrinthes de ces endroits où l’on accomplit ce que Rabelais ne craignait pas de dire en français. Il ne vous suffisait pas d’avoir une flotte cuirassée, vous avez voulu des Rambuteau blindés.

M. Chouard a dû se frotter les mains.

Aujourd’hui vous songez vaguement à supprimer des mots dans la langue, ne pouvant supprimer les choses dans la nature.

Du moment que la femme existe, c’est pour quelque chose, n’est-ce pas ? Alors pourquoi ces mystères ? pourquoi ces voiles ?

S’il est tout simple d’aimer les femmes et de le leur prouver par les moyens connus ; pourquoi serait-il défendu de parler de cela sans détours et sans feintes ?