Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/18

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En 1872, après la guerre, après que la mort d’Henri Regnault eut fait à tous ses confrères une sorte de piédestal de gloire, une Jocaste, sujet hardi, classa Bertin parmi les audacieux, bien que son exécution sagement originale le fît goûter quand même par les académiques. En 1873, une première médaille le mit hors concours avec sa Juive d’Alger qu’il donna au retour d’un voyage en Afrique ; et un portrait de la princesse de Salia, en 1874, le fit considérer, dans le monde élégant, comme le premier portraitiste de son époque. De ce jour, il devint le peintre chéri de la Parisienne et des Parisiennes, l’interprète le plus adroit et le plus ingénieux de leur grâce, de leur tournure, de leur nature. En quelques mois toutes les femmes en vue à Paris sollicitèrent la faveur d’être reproduites par lui. Il se montra difficile et se fit payer fort cher.

Or, comme il était à la mode et faisait des visites à la façon d’un simple homme du monde, il aperçut un jour, chez la duchesse de Mortemain, une jeune femme en grand deuil, sortant alors qu’il entrait, et dont la rencontre sous une porte l’éblouit d’une jolie vision de grâce et d’élégance.

Ayant demandé son nom, il apprit qu’elle s’appelait la comtesse de Guilleroy, femme d’un hobereau normand, agronome et député, qu’elle portait le deuil du père de son mari, qu’elle était spirituelle, très admirée et recherchée.