Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Qu’est-ce qui vous fait penser ainsi ?

— Mon émotion quand vous n’êtes pas là, mon bonheur quand vous arrivez.

Elle s’assit :

— Oh ! ne vous inquiétez pas pour si peu. Tant que vous dormirez bien et que vous dînerez avec appétit, il n’y aura pas de danger.

Il se mit à rire.

— Et si je perds le sommeil et le manger !

— Prévenez-moi.

— Et alors ?

— Je vous laisserai vous guérir en paix.

— Merci bien.

Et sur le thème de cet amour, ils marivaudèrent tout l’après-midi. Il en fut de même les jours suivants. Acceptant cela comme une drôlerie spirituelle et sans importance, elle le questionnait avec bonne humeur en entrant.

— Comment va votre amour aujourd’hui ?

Et il lui disait, sur un ton sérieux et léger, tous les progrès de ce mal, tout le travail intime, continu, profond de la tendresse qui naît et grandit. Il s’analysait minutieusement devant elle, heure par heure, depuis la séparation de la veille, avec une façon badine de professeur qui fait un cours ; et elle l’écoutait intéressée, un peu émue, troublée aussi par cette histoire qui semblait celle d’un livre dont elle était l’héroïne.