Page:Maupassant - Ivan Tourgueneff, paru dans Le Gaulois, 5 septembre 1883.djvu/4

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Son corps était très haut, large, plein sans être gros, et ce colosse avait des gestes d’enfant, timides et retenus. Il parlait d’une voix très douce, un peu molle, comme si la langue trop épaisse se fût remuée difficilement. Parfois, il hésitait, cherchant le mot précis en français pour exprimer sa pensée, mais il le trouvait toujours avec une étonnante justesse, et cette légère hésitation donnait à sa parole un charme particulier.

Il savait conter d’une façon charmante, prêtant aux moindres faits une importance artistique et une couleur amusante, mais on l’aimait moins encore pour la haute valeur de son esprit que pour sa naïveté bonne et toujours étonnée. Car il était invraisemblablement naïf, ce romancier de génie qui avait parcouru le monde,