Page:Maupassant - Jour de fête (extrait de Gil Blas, édition du 1886-07-20).djvu/10

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peuple. Il était content, il était joyeux. Jusqu’au soir il demeurerait ainsi en allégresse, par ordre de l’autorité, et demain ce serait fini.

Ô Bêtise ! Bêtise ! Bêtise humaine aux innombrables faces, aux innombrables métamorphoses, aux innombrables apparences ! On se réjouissait par toute la France avec de la poudre et des drapeaux ? Pourquoi cette joie nationale ? Pour célébrer la richesse publique au lendemain d’un emprunt nouveau ? Pour célébrer la consécration de la liberté au jour même où apparaît plus menaçante que les tyrannies impériales ou royales, la tyrannie républicaine ?…

J’errai dans les rues jusqu’à l’heure où la joie publique devint intolérable. Les orphéons mugissaient, les artifices crépitaient, la foule s’agitait, vociférait. Et tous les rires exprimaient la même satisfaction stupide.

Je me trouvai, par hasard, devant l’église dont j’avais vu de loin, la veille, les deux tours. J’y entrai. Elle était vide, haute, froide, morte. Au fond du chœur