Page:Maupassant - L'amour des poètes (extrait de Gil Blas, édition du 1883-05-22).djvu/8

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Oh ! la nuit froide ! Oh ! la nuit douloureuse,
Ma main bondit sur mon sein palpitant.
Qui frappe ainsi dans ma poitrine creuse
Quels sont ces coups sinistres qu’on entend ?

Qu’es-tu ? Qu’es-tu ? parle, ô monstre indomptable
Qui te débats en mes flancs enfermé ?
Une voix dit, une voix lamentable :
« Je suis ton cœur et je n’ai pas aimé ! »



La soif de l’amour semble avoir toujours été la maladie incurable des poètes, ces grands enfants, impuissants décrocheurs d’étoiles. L’exaltation naturelle d’une âme poétique, exaspérée par l’excitation artistique qu’il faut pour produire, pousse ces êtres d’élite, mais sans équilibre, à concevoir une sorte d’amour idéal, ennuagé, éperdûment tendre, extatique, jamais rassasié, sensuel sans être charnel, tellement délicat qu’un rien le fait s’évanouir, irréalisable et surhumain. Et les poètes sont peut-être les seuls hom-