Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme des coups de tonnerre qui roulaient durant cinq minutes un tel ouragan de gros mots, qu’il semblait avoir dans les poumons tous les orages du Père Eternel.

Puis, quand il avait quitté son bord et qu’il se trouvait face à face avec elle au milieu des curieux et des harengères, il repêchait à fond de cale toute une cargaison nouvelle d’injures et de duretés, et il la reconduisait ainsi jusqu’à leur logis, elle devant, lui derrière, elle pleurant, lui criant,

Alors, seul avec elle, les portes fermées, il tapait sous le moindre prétexte. Tout lui suffisait pour lever la main et, dès qu’il avait commencé, il ne s’arrêtait plus, en lui crachant alors au visage les vrais motifs de sa haine. A chaque gifle, à chaque horion il vociférait : "Ah ! sans-le-sou, ah ! va-nu-pieds, ah ! crève-la-faim, j’en ai fait un joli coup le jour où je me suis rincé la bouche avec le tord-boyaux de ton filou de père ! "

Elle vivait, maintenant, la pauvre femme, dans une épouvante incessante, dans un tremblement continu de l’âme et du corps, dans une attente éperdue des outrages et des rossées.,

Et cela dura dix ans. Elle était si craintive qu’elle pâlissait