Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/185

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Le docteur demanda :

— Vous êtes mariés ?

Elle répondit simplement :

— Oui, monsieur…. sans ça il m’aurait lâchée comme les autres. J’ai été sa femme et sa bonne, tout, tout ce qu’il a voulu… et il m’en a fait pleurer… des larmes que je ne lui montrais pas ! Car il me racontait ses aventures, à moi… à moi… monsieur… sans comprendre quel mal ça me faisait de l’écouter…

— Mais quel métier faisait-il, enfin ?

— C’est vrai… j’ai oublié de vous le dire. Il était premier garçon chez Martel, mais un premier comme on n’en avait jamais eu… un artiste à dix francs l’heure, en moyenne…

— Martel ?… qui ça, Martel ?…

— Le coiffeur, monsieur, le grand coiffeur de l’Opéra qui avait toute la clientèle des actrices. Oui, toutes les actrices les plus huppées se faisaient coiffer par Ambroise et lui donnaient des gratifications qui lui ont fait une fortune. Ah ! monsieur, toutes les femmes sont pareilles, oui, toutes. Quand un homme leur plaît, elles se l’offrent. C’est si facile… et ça fait tant de peine à apprendre. Car il me disait tout… il ne pouvait pas se taire…