Page:Maupassant - La Maison Tellier.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était le plus aimé et le plus respecté. Il payait bien et régulièrement, tandis que les autres se faisaient longtemps tirer l’oreille, à moins qu’ils ne disparussent, insolvables. Puis il constituait pour l’établissement une sorte de réclame vivante, car son père était sénateur. Et quand un étranger demandait : — « Qui est-ce donc ce petit-là, qui en tient si fort pour sa donzelle ? » quelque habitué répondait à mi-voix, d’un air important et mystérieux : — « C’est Paul Baron, vous savez ? le fils du sénateur. » — Et l’autre, invariablement, ne pouvait s’empêcher de dire : — « Le pauvre diable ! il n’est pas à moitié pincé. »

La mère Grillon, une brave femme, entendue au commerce, appelait le jeune homme et sa compagne : « ses deux tourtereaux », et semblait tout attendrie par cet amour avantageux pour sa maison.

Le couple s’en venait à petit pas ; la yole Madeleine était prête ; mais, au moment de monter dedans, ils s’embrassèrent, ce qui fit rire le public amassé sur le pont. Et