Page:Maupassant - La Maison Tellier.djvu/306

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Vers le dessert, Paul prenant tendrement la main de Madeleine, lui dit : — « Je me sens très fatigué, ma mignonne ; si tu veux, nous nous coucherons de bonne heure. »

Mais elle avait compris la ruse et elle lui lança ce regard énigmatique, ce regard à perfidies qui apparaît si vite au fond de l’œil de la femme. Puis, après avoir réfléchi, elle répondit : — « Tu te coucheras si tu veux, moi j’ai promis d’aller au bal de la Grenouillère. »

Il eut un sourire lamentable, un de ces sourires dont on voile les plus horribles souffrances, mais il répondit d’un ton caressant et navré : — « Si tu étais bien gentille nous resterions tous les deux. » Elle fit « non » de la tête sans ouvrir la bouche. Il insista : — « T’en prie ! ma bichette. » Alors elle rompit brusquement : — « Tu sais ce que je t’ai dit. Si tu n’es pas content, la porte est ouverte. On ne te retient pas. Quant à moi, j’ai promis ; j’irai. »

Il posa ses deux coudes sur la table, enferma son front dans ses mains, et resta là, rêvant douloureusement.