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LA VERTE ÉRIN



On ne parlait guère de l’Irlande, il y a cinquante ou soixante ans, sans l’appeler « la verte Érin ». Le langage poétique auquel nous devons « la perfide Albion » et la « grasse Normandie » n’avait point découvert d’autre épithète pour qualifier cette terre de misère éternelle, ce pays loqueteux et sordide des gueux, ce foyer de révolte sans fin, de religion sanguinaire et d’indéracinable superstition. La verte Érin ! Ces mots n’évoquent-ils pas un paysage à la Watteau ? Mais quand on dit : « l’Irlande » quelles images de mort, de servitude, de luttes sanglantes passent sous nos yeux !

D’après la classification élégante en usage dans le monde pour désigner les différents peuples d’Europe, si la France est le pays de l’élégance, de la grâce et de l’esprit ; l’Angleterre, la nation du spleen, du flegme et du rosbif ; l’Espagne, le royaume des castagnettes ; l’Italie, la patrie des arts, et la Suisse la contrée du