Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croyant puisse, en se plaçant devant, ne rien voir, n’être distrait par rien, et, tourné vers la ville sainte, s’absorber dans la prière.

En voici qui se prosternent ; d’autres, debout, murmurent les formules du Coran dans les postures prescrites ; d’autres, encore, libres de ces devoirs accomplis, causent assis par terre, le long des murs, car la mosquée n’est pas seulement un lieu de prière, c’est aussi un lieu de repos, où l’on séjourne, où l’on vit des jours entiers.

Tout est simple, tout est nu, tout est blanc, tout est doux, tout est paisible en ces asiles de foi, si différents de nos églises décoratives, agitées, quand elles sont pleines, par le bruit des offices, le mouvement des assistants, la pompe des cérémonies, les chants sacrés, et, quand elles sont vides, devenues si tristes, si douloureuses qu’elles serrent le coeur, qu’elles ont l’air d’une chambre de mourant, de la froide chambre de pierre où le Crucifié agonise encore.

Sans cesse, les Arabes entrent, des humbles, des riches, le portefaix du port et l’ancien chef, le noble sous la blancheur soyeuse de son burnous éclatant. Tous, pieds nus, font les mêmes gestes, prient le même Dieu avec la même foi