Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/51

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au geste impudique, nue et blonde, éveillée et calme.

Puis après elle, après cette évocation de toute la puissance séductrice du corps humain, surgissent, douces et pudiques, des vierges : celles de Raphaël d’abord. La Vierge au chardonneret, la Vierge du grand-Duc, la Vierge à la chaise, d’autres encore, celles des primitifs, aux traits innocents, aux cheveux pâles, idéales et mystiques, et celles des matériels, pleines de santé.

Quand on se promène non seulement dans cette ville unique, mais dans tout ce pays, la Toscane, où les hommes de la Renaissance ont jeté des chefs-d’œuvre à pleines mains, on se demande avec stupeur ce que fut l’âme exaltée et féconde, ivre de beauté, follement créatrice, de ces générations secouées par un délire artiste. Dans les églises des petites villes, où l’on va, cherchant à voir des choses qui ne sont point indiquées au commun des errants, on découvre sur les murs, au fond des chœurs, des peintures inestimables de ces grands maîtres modestes, qui ne vendaient point leurs toiles dans les Amériques encore inexplorées, et s’en allaient, pauvres, sans espoir de fortune, travaillant pour l’art comme de pieux ouvriers.