Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/88

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mont hérissé se creusent de profondes vallées qu’enferment d’autres monts, élargissant, vers l’intérieur de la Sicile, un horizon infini de pics et de cimes. En face de nous, la mer ; à nos pieds, Palerme. La ville est entourée par ce bois d’orangers qu’on nomme la Conque d’or, et ce bois de verdure noire s’étend, comme une tache sombre, au pied des montagnes grises, des montagnes rousses, qui semblent brûlées, rongées et dorées par le soleil, tant elles sont nues et colorées.

Un de nos guides a disparu. L’autre nous suit dans les ruines. Elles sont d’une belle sauvagerie et fort vastes. On sent, en y pénétrant, que personne ne les visite. Partout, le sol creusé sonne sous les pas ; par places, on voit l’entrée des souterrains. L’homme les examine avec curiosité et nous dit que beaucoup de brigands ont vécu là-dedans, quelques années plus tôt. C’était là leur meilleur refuge, et le plus redouté. Dès que nous voulons redescendre, le premier guide reparaît ; mais nous refusons ses services, et nous découvrons sans peine un sentier fort praticable qui pourrait même être suivi par des femmes.

Les Siciliens semblent avoir pris plaisir à grossir et à multiplier les histoires de bandits pour effrayer les étrangers ; et, encore aujourd’hui, on