Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
RÊVES

la certitude, la conscience absolue que cette manière était la vraie.

« Et la vieille image de l’Écriture m’est revenue soudain à la pensée. Il me semblait que j’avais goûté à l’arbre de science, que tous les mystères se dévoilaient, tant je me trouvais sous l’empire d’une logique nouvelle, étrange, irréfutable. Et des arguments, des raisonnements, des preuves me venaient en foule, renversés immédiatement par une preuve, un raisonnement, un argument plus fort. Ma tête était devenue le champ de lutte des idées. J’étais un être supérieur, armé d’une intelligence invincible, et je goûtais une jouissance prodigieuse à la constatation de ma puissance…

« Cela dura longtemps, longtemps. Je respirais toujours l’orifice de mon flacon d’éther. Soudain, je m’aperçus qu’il était vide. Et j’en ressentis un effroyable chagrin. »

Les quatre hommes demandèrent ensemble :

— Docteur, vite une ordonnance pour un litre d’éther !

Mais le médecin mit son chapeau et répondit :