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YVELINE SAMORIS

fut parti ? Voilà ce que Joseph ne pouvait me dire. Mais le soir même, Yveline entra brusquement dans la chambre de sa mère, qui allait se mettre au lit, fit sortir la suivante qui resta derrière la porte, et debout, pâle, les yeux agrandis, elle prononça :

— Maman, voici ce que j’ai entendu tantôt dans le salon.

Et elle raconta mot pour mot le propos que je vous ai dit.

La comtesse, stupéfaite, ne savait d’abord que répondre. Puis elle nia tout avec énergie, inventa une histoire, jura, prit Dieu à témoin.

La jeune fille se retira éperdue, mais non convaincue. Et elle épia.

Je me rappelle parfaitement le changement étrange qu’elle avait subi. Elle était toujours grave et triste ; et plantait sur nous ses grands yeux fixes comme pour lire au fond de nos âmes. Nous ne savions qu’en penser, et on prétendait qu’elle cherchait un mari, soit définitif, soit passager.

Un soir, elle n’eut plus de doute : elle surprit sa mère. Alors froidement, comme un homme