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L’ORPHELIN

Elle partit un matin, en secret, et se rendit à la ville auprès de ses parentes. Elle leur raconta la chose d’une voix haletante. Les deux femmes pensèrent qu’elle devenait folle et tâchèrent de la rassurer.

Elle disait :

— Si vous saviez comme il me regarde du matin au soir ! Il ne me quitte pas des yeux ! Par moments j’ai envie de crier au secours, d’appeler les voisins, tant j’ai peur ! Mais qu’est-ce que je leur dirais ? Il ne me fait rien que de me regarder.

Les deux cousines demandaient :

— Est-il quelquefois brutal avec vous ; vous répond-il durement ?

Elle reprenait :

— Non, jamais ; il fait tout ce que je veux ; il travaille bien, il est rangé maintenant ; mais je n’y tiens plus de peur. Il a quelque chose dans la tête, j’en suis certaine, bien certaine. Je ne veux plus rester toute seule avec lui comme ça dans la campagne.

Les parentes, effarées, lui représentaient qu’on s’étonnerait, qu’on ne comprendrait pas ; et elles